La plus vieille DS du monde, par le Docteur Danche

il y a deux "plus vieilles DS du monde".

La première est un prototype d'époque, qui est au conservatoire Citroën, mais a été mutilé par des transformations successives.

Les quelques points d'archéologie industrielle qu'il présente ne sont pas complètement sans intérêt: pas de correcteur de hauteur, etc.

Cette petite video vous en convaincra (attention, ne mettez pas le son)

https://www.youtube.com/watch?v=SbT9Id-IQ7o

 

Et puis il y a la véritable DS de série la plus vieille du monde, la numéro 0032, qui est exposée au Citromuseum d'Henri Fradet, à Castellane.

Elle est présentée ici, avec vingt photos superbes d'un photographe professionnel:

http://www.citromuseum.com/visite/visiteds/ds-19-de-1955-n32-69780-km/

 

Mais bien sûr, rien ne remplace de la voir à Castellane en vrai et de la respirer, car elle est dans un superbe état d'origine.

Elle a juste eu une peinture noire dans les années 80, par dessus sa teinte "aubergine" d'origine.

 

Dans l'histoire de la voiture, racontée par Henri Fradet sur le lien que j'ai donné, on lit que la voiture a appartenu entre 1991 et 2004 à Marten Boersma, un collectionneur de miniatures DS (Il a même écrit un livre sur la question, voir couverture ci-contre).

 

 

Un jour Marten m'a fait un mail pour autre chose, et je lui ai demandé de me raconter comment il avait pu acheter cette merveille, la 00032.

Voici donc l'histoire, qui, au fond, complète celle d'Henri et qui nous enseigne que la persévérance, voire l'obstination, est parfois récompensée.

je laisse la parole à Marten:

 

 

En 1985, j'attendais l'ouverture d'une bourse de minitaures à Paris.

Pour tuer le temps, j'ai acheté l'Auto-journal. A cette époque, je ne m'intéressais vraiment qu'aux miniatures, que je collectionnais depuis dix ans.

C'est seulement l'après midi, au moment de manger un sandwich, que j'ai commencé à lire le journal. Et là, les bras m'en sont tombés.

Il y avait une toute petite photo, avec marqué "DS 000032".

A cette époque, seuls quelques membres du club DS hollandais s'intéressaient aux DS premier nez, modèle dont j'étais alors un simple admirateur.

Mais je suis rentré en contact avec le propriétaire, M Kaminski, garagiste Citroën à Romans dans la Drôme.

Le coup de téléphone n'a pas été long, la voiture n'était pas à vendre. J'ai appris bien plus tard qu'à cet instant-là, Kaminski n'avait la voiture que depuis moins d'un an.

Puis en 1987 il y a eu un article dans la bombe Citroën, le magazine du club hollandais auquel je contribuais, se demandant qui possédait la plus vieille DS.

 

On s'était arrêtés au numéro 00359, une DS 1956 qui était en Hollande dans ces années-là.

Mais après l'article, Théo van Os nous envoya un article sur la 00032, à paraitre dans le numéro suivant.

Théo avait contacté Kaminski avec plus de succès que moi, et ils avaient même sorti la voiture pour une promenade.

 

 

 

Theo fit de jolies photos et raconta toute l'histoire.

Si bien qu'il me devint impossible de sortir cette voiture de mon esprit.

Un tel numéro! Et Théo, qui l'avait vue, m'avait dit qu'elle était en très bon état!

J'ai alors écrit une lettre au vendeur.

Puis une autre, trois en tout, au fil des années.

En en 1988 je l'ai encore rappelé.

Clairement, je le dérangeais, je lui ai dit que j'étais le même que celui qui lui écrivait, le même que celui qui avait appelé trois ans plus tôt.

Il m'a répondu de continuer à rêver, et que la voiture n'était pas à vendre.

 

 

Puis en Juillet 1991, à une réunion du club DS, quelqu'un a apporté un "la vie de l'Auto" qui datait de plusieurs mois, qui contenait un article indiquant que la DS 000032 était à vendre, à la meilleure enchère.

(j'ai encore l'annonce, voir la photo).

J'étais sidéré.

Je n'ai pas attendu la fin de la réunion, je suis rentré chez moi.

J'ai appelé mon travail pour indiquer que je serais absent plusieurs semaines, c'était écrit "faire offre par écrit", mais je suis parti sur le champ avec ma copine pour le Sud de la France.

Quand j'ai rencontré Kaminski dans sa concession, il a rigolé quand je me suis présenté.

Il m'a dit que la voiture était effectivement à vendre, et il m'a demandé de faire une offre, ce que j'ai fait.

C'était bien trop bas, il a alors pris une photo sur le mur, qui avait été faite pour l'Autojournal de 1985, il me l'a donnée et m'a montré la porte.

 

 

 

Je lui ai alors demandé de me donner son prix, puisque ce ne n'était pas une enchère. Mais il ne l'a pas fait, et je suis sorti du bureau.

Dans la concession Citroën de Kaminski, j'ai échangé avec le responsable des ventes, qui m'a dit ce que la DS valait, d'après lui. Je ne pouvais pas mettre une telle somme.

Le jour suivant, je suis revenu, et j'ai demandé à Kaminski de me montrer la voiture pour reconsidérer mon offre.

 

 

Il me l'a montrée, et la DS était incroyable. Je ne pouvais pas le croire, j'avais vu tant de DS, mais je n'avais jamais vu une DS premier nez dans cet état.

J'ai fait une nouvelle offre, lui proposant l'échange avec mon cabriolet DS rouge, et il a encore refusé.

Nous devions partir avec ma copine pour quelques jours plus au Sud, mais quand le matin du jour suivant est venu, j'ai su qu'il fallait que je ramène cette DS, et je suis retourné à la concession.

La j'ai parlé au responsable des pièces, à la secrétaire, et à M Kaminski.

Nous avons alors trouvé un autre sujet de conversation, nous étions tous les deux de grands fans de Johan Cruyff, le footballeur hollandais. Des sourires venaient sur son visage quand il en parlait. Mais sans plus.

Encore une journée s'est écoulée ainsi.

Le lendemain je suis encore revenu, mais Kaminski avait pris un jour de congé, le premier depuis longtemps.

J'ai demandé si je pouvais l'appeler, et on m'a laissé faire depuis le grand bureau de Kaminski. Il a été surpris de m'avoir encore, cette fois au téléphone, et je lui ai fait ma troisième offre.

A ma surprise, il a cette fois mentionné un prix! Et après quelques minutes nous avons conclu l'affaire.

Quand j'ai raccroché, il y a eu des appludissements depuis la porte. Plusieurs employés avaient écouté la conversation et senti ma passion.

Le lendemain, Kaminski m'a demandé où était mon plateau.

Mais je n'avais plus un sou, plus rien, à peine de quoi faire deux pleins. Et je suis rentré par la route.

 

ND DRD:

et c'est ainsi que la DS a échappé en 1991 à Henri Fadet, qui était pourtant sur le coup, et avait même offert à Kaminski de l'échanger contre un cabriolet DS rouge (curieuse coincidence, car comme on l'a lu, Marten avait lui aussi fait cette proposition!).

 

Je redonne la parole à Marten:

 

Kaminski m'a fait une liste d'adresses de garagistes et d'amis pouvant m'aider si je recontrais un problème pendant le voyage.

Mais plus on avançait, mieux la DS marchait.

Je conduisais à 80km/h à cause des sphères trop dures.

 

 

Et on est arrivés à Eindhoven sans problème.

J'ai ensuite gardé la voiture 13 ans, sans rien y toucher, je ne l'ai même pas immatriculée en Hollande.

Je l'ai exposée dans mon musée de la Citroën DS, centré sur les miniatures, que j'ai ouvert en 1995.

J'ai ensuite vendu la voiture en 2004 à Henri Fradet, pour son musée. C'est le propriétaire rêvé pour ce trésor du patrimoine.

Ca a été pour moi un immense privilège de la voir ainsi sous mes yeux pendant toutes ces années.